dimanche 18 juin 1989

Le roi, c'est moi


Juillet 1992, à Marne-la-Vallée



Le choix des fauteuils et des rôles n'a pas fait l'objet de débat.
C'est notre deuxième voyage familial à Paris. Après l'expérience Boy George / Mickael Jackson, on revient passer une semaine estivale chez Laurent et Danièle à Yerres en 1992.
Après avoir tenté le Grand 8 Gaulois au Parc Astérix l'année précédente, on ne résiste pas au plaisir d'aller au tout nouveau Parc Eurodisney, qui vient d’ouvrir à Marne la Vallée. On s'était vraiment régalé au parc des irréductibles gaulois. Mais la gloire de l'Empire Américain à la fin de ce millénaire nous fait espérer une expérience au moins 10 fois plus forte en émotion pour cette année. Au bilan, seul le billet d'entrée respecte le sur-taux de 10. Le reste de la visite est aussi plaisant que l'an passé. Mais rien ne remplace dans nos cœurs le parc Astérix, choix lors de notre premier périple familial.  L'américanisme a déjà un penchant trop bling-bling, que Carla s'empressera de confirmer quelques années plus tard.

samedi 17 juin 1989

11- A changing world

On est en 1987. La décision est prise. On monte à Paris. 4 jours de vacances. Tous les 4. Je suis tout surpris. Je ne pensais pas que l'on pouvait traverser notre ligne Maginot, la Loire. En plus directement à la capitale, quel souffle, quelle initiative. Vincent a un grand sourire. Il rêve de Paris, de s'échapper, de voir plus grand, et surtout plus loin. Le séjour est des plus agréables. Je dors dans le canapé-lit du salon avec Vincent chez Laurent et Danièle à Yerres. Les soirées s'éternisent autour d'un tapis de jeu de dés pour enfants. Je découvre le 421. Tout le monde s'amuse, les 2 pères de famille se prennent au sérieux autour de ce jeu, les cigarettes et les verres à Armagnac sont en piste, les heures défilent, l'heure du coucher est aléatoire, c'est délicieux. En revanche, les journées sont marquées par un affolement provincial, une peur de ne pas en faire assez, de ne pas en voir assez, de ne pas avoir le temps, une injonction de ne pas prendre le temps, de ne pas savourer l'instant présent. Ce marathon infernal est vaincu par la quiétude des soirées et l'invincible 421, synonyme de rires, de moments suspendus, et d'hommages appuyés à nos produits du Sud Ouest, des Gauloises de Tonneins ou des bouteilles du Gers. Le stress culturel retombe. Le dernier jour arrive. Nous sommes invités à nous choisir un cadeau. J'aurai un sweat shirt avec Paris écrit dessus. Vincent en profite pour se faire acheter des disques, deux 45 tours petit format. Son choix est alors objet de tous les commentaires, mais ça passe. Dans notre maison, une armoire était dédiée aux disques, presque une armoire scellée, tant écouter de la musique était éloigné de notre quotidien. Les parents ont une large collection chansons françaises, plutôt orientée chansons à texte avec du Jean Ferrat, du Georges Moustaki, du Claude Nougaro, du Charles Aznavour. Invariablement quand les parents reçoivent, mon père enclenche du Georges Brassens, le disque le plus usé. Cette fois, Vincent arrive avec du Boy George et du Michael Jackson. C'est comme cette escapade à Paris: inattendu. C'est la claque de ce nouveau monde refoulé: exit notre enfance construite sur les bases de Molière, on passe à l'anglais, directement, sur tous les disques. C'est un appel à l'avenir. On sent cette force, cette tendance se confirmer d'année en année. Ces 2 disques, c'est le rappel de ce que demain sera. Ce sera différent, et incertain. Le premier est un anglais qui rêve d'être une anglaise. Et le second est aussi clairement noir que sa peau est claire. Le monde se cherche, veut s'affirmer. Il veut autre chose. Vincent est comme ce Nouveau Monde.