lundi 19 octobre 1992

25- Bororos

J'ai toujours eu l'angoisse de la réussite scolaire. Moins de 18 sur 20, et je stresse. Panique sur les chiffres, auto-pression permanente. Vincent, pas du tout. Evidemment, à la narration des premiers week-ends à Albi, je doute de l'adaptation de mon frère à l'attendu normatif de la machine éducative française. Surtout celle des classes préparatoires. Ma mère est aussi très inquiète. Comme toujours elle est prête à traverser tous les océans du monde pour donner ne serait-ce qu'une gorgée d'eau à ses enfants. Ma maman est géniale. En l'occurrence, en ce mois d'octobre, sa mission de sauvetage est la rédaction sine die d'un devoir à la maison de français à partir de la lecture de l'ouvrage de Levi-Strauss. Certes Vincent n'a pas lu l'ouvrage. Certes la demande téléphonique à l'aide maternelle est arrivée 48h avant l'échéance. Certes ma mère sacrifie une nuit pour relire le dit ouvrage. Mais le français, attention c'est sa spécialité. Elle met du cœur à l'ouvrage, elle lit, rédige, rature, corrige, recopie. Quelques pauses minimalistes, et elle repart à l'ouvrage pour son fils. Ultime sacrifice, la livraison. C'est après une longue journée de travail à Mazamet, retour à Revel, puis demi-tour vers Albi. 220km dans la journée pour amener la dissertation toute rédigée au fils prodigue. Je suis du voyage. C'est expéditif. Voici la copie, merci au revoir, retour à l'internat, retour à Revel pour les autres. Une semaine après, la sentence tombe. 4 sur 20. On vient d'assassiner maman. Tristes tropiques.