samedi 17 mai 1997

33- Conscription

Papa raconte de temps à autres les péripéties qui l'ont amené d'une demande de service dans la marine vers une affectation sur les pentes des glaciers des Alpes, en béret blanc, comme chasseur alpin. Moins exotique. Et puis il affectera les fameux quelques jours en cellule de détention pour une permission un peu trop longue, que j'avais interprété à l'époque comme un renvoi de mon père pendant ses jeunes années en prison ministérielle. Vincent a lancé très tôt deux fatwas: une contre les religions en particulier la catholique et l'autre contre l'armée en particulier la française. Il est intarissable sur la rigidité des codes de l'armée, l'étonnante biodiversité des appelés, la bêtise des trois jours de sélection et d'orientation, avec ces fameux tests psychotechniques. Il en oublie d'ailleurs son sac à dos dans son AX en arrivant dans la caserne, mais il en ressortira avec le grade d'aspirant, montrant son zèle incohérent lors de cette phase de sélection. A perdre 10 mois, il argumente qu'il préfère les perdre en hurlant des ordres aux autres plutôt que de les recevoir. Tout un programme républicain. Heureusement le temps de manger des pommes arrive, et le tout nouveau président décide très rapidement de professionnaliser l'armée. Vincent est ravi. Mais il va y avoir une période de transition. Vincent est atterré. Il plonge. Six années de transition sont décidées. Il est trop vieux, la France l'appellera, c'est sûr, il sera un des derniers couillons de la République. Il fulmine, et la révolte gronde. Le voilà à manifester dans les rues à l'appel des Sans Nous. L'entêtement est total, l'expérience ne peut être que nulle, un gâchis. Les politiques louvoient, celui qui a un contrat en CDI est automatiquement exempté. Vincent est ravi, il n'aura jamais autant envie de décrocher un boulot. Le service militaire ne se fera pas. Fin d'une époque. En 2000, je suis très content pour Vincent. Il m'avait évidemment convaincu. Il y avait longtemps que l'époque avait changé, m'avait-il expliqué. La jeunesse est aujourd'hui antimilitariste, mondialiste, et généreuse. Nous ne sommes pas des citoyens de la France, mais des citoyens du monde. C'est si bon d'être jeune, insoumis, invincible, et insouciant.