4 mois que je cherche du boulot. Je maudis ce 11 septembre.
Vincent s'est installé dans son nouveau rôle de trader. Du très chic boulevard
des Italiens, son bureau s'est déplacé dans la
non moins huppée rue Montmartre, juste à deux pas du palais Brogniard
qui vient de fermer. Il m'a invité 2 ou 3 fois à partager un repas le midi avec
lui. Il fréquente les snacks les plus chics, c'est très loin de mon quotidien
d'étudiant. Une nuée de financiers, de brokers et autres loustics l'entourent.
Il porte le costume, la chemise soyeuse à boutons de manchette, la cravate au
nœud double telle qu'enseigné par papi, il a le verbe haut, le sens de la
camaraderie, et le côté chef de meute que je lui connais. J'adore le regarder
faire, c'est mon Vincent comme lorsqu'il était à Albi, ou lors des soirées de
la Dreuillette. C'est le Vincent au tempérament de feu, à l'humour qui entraîne,
et à la générosité débordante. Quelques changements cependant: une cravate en
plus et l'accent en moins. Il me fait visiter son bureau, le Desk. J'entre en
short et t-shirt dans l'antre de la finance parisienne. Je ne suis pas trop à
l'aise, Vincent se marre. C'est l'heure du déjeuner, il m'invite dans un bar à
vin tendance, branché, déco. On vient de me proposer un contrat de travail,
enfin. Je m'empresse de lui raconter. Il n'est pas convaincu. Il me conseille
de ne pas signer. Je suis très surpris, mais je vais suivre son avis. De
nouvelles semaines de galère s'enchaînent. J'adore mon frère pour cette
capacité à se tromper avec beaucoup d'assurance.