Vincent multiplie les voyages. L'envie d'ailleurs est
intarissable. Le projet est partagé avec Christelle. Eté 1994, ils commencent
doucement avec l'Italie. L'année suivante, je n'en reviens pas, ils partent à
Bali, si loin. Ce n'est que le début. Canada, Norvège, Venezuela, les
destinations s'enchaînent. Mais c'est au Maroc que Vincent a le déclic. On est
en 2003. Je l'imagine le soir tombant, en bord de mer, coiffé d'un fez ottoman.
Il se met à genou. Demande en mariage. Christelle dit oui. Retour au pays, à la
tradition, à la culture et aux codes français. Mairie, église, réception. Robe
blanche, voiture d'époque noire. Mabou propose la traction, qui retraverse
alors héroïquement la France pour
célébrer l'union de Vincent et Christelle. Je suis dans la voiture de papa et
maman. On se rend à la mairie. Tout le monde est étrangement tendu dans la
voiture. Papa fait une fixation sur la longueur de ses bras de chemise. Je ris
du détail. Mais mon bonheur du moment, tu me l'as offert en me demandant d'être
ton témoin à la mairie. Je me trouve ridicule d'attacher cette importance à ce
sujet. Je suis au mieux apathique à l'idée du mariage, tu m'avais convaincu de
ce point quelques années auparavant. Lorsque j'ai appris ton mariage à venir,
je n'ai pas osé te demander d'être témoin, par cohérence intellectuelle. Mais
lorsque tu me l'as demandé, j'ai été inondé par une vague de soulagement, de
joie, de tranquillité. Le moment approche. Je profite de toute mon incohérence,
mais j'ai un grand sourire en moi, je suis bien, et heureux de notre proximité.
dimanche 20 juillet 2003
dimanche 9 mars 2003
36- Paris Country Club
Vincent s'est mis au jogging. Nouvelle lubie. Et comme
toujours sur chaque sujet qu'il entreprend, il y met de l'engagement. Il a pas
mal grossi ces derniers temps. Mais il dégage une force physique incroyable.
Moi, je reste toujours aussi chétif. En plus, cela commence à faire pas mal de
temps que je ne fais plus de sport. Heureusement, ces dernières années, Vincent
m'a régulièrement invité à des rendez-vous sportifs: un match de foot du dimanche
par-ci, une partie de squash par-là, ou une séance de tennis dans un centre
huppé. Mais cette fois, c'est carrément pour faire le semi-marathon de Paris
qu'il m'interpelle. Je n'en reviens pas, mais j'accepte de participer avec lui.
Je pars m'acheter des tennis, je n'ai même plus de chaussures de sport à cette
époque-là. Je choisis les moins chères au centre commercial, elles n'ont même
pas de lacet, ça me posera problème pour le compteur de passage de la course
qu'il fallait fixer à sa chaussure. Pas de chance pour moi. Nous voila sur la
ligne de départ de la course. C'est une bousculade incroyable. Je ne suis pas
pressé de courir, moi. Vincent m'explique le système des ballons, qui portent
des temps de référence. Il est à fond. C'est parti. On fait 5 kms ensemble.
J'atteins déjà mes limites. Je m'accroche. Il y a heureusement des quartiers
d'orange qui sont distribués. Je m'arrêterai presque pour un petit déjeuner.
Mais Vincent enchaîne. On arrive au 10 kms, je commence à voir des étoiles. Je
n'en peux plus. Il me souffle qu'il doit accélérer, qu'il m'attend à l'arrivée,
et autre chose que je n'ai pas le temps d'entendre. Evidemment, j'aurai dû me
douter que sans entraînement depuis 10 ans, je n'allais pas briller. Pourtant
j'y croyais. Je suis à la dérive. Des flots de gens me doublent. Tout d'un
coup, c'est une fille avec une tenue qui représente le drapeau vénézuélien qui
me passe devant. Je m'accroche pour que la France remporte la partie.
Impossible. Et je n'en suis qu'au quinzième kms. Les derniers mètres sont un
enfer. Je ne pourrai pas monter les escaliers, ni le lendemain, ni le
surlendemain. Je retrouve Vincent à la ligne d'arrivée tout reposé. Il est
enchanté de l'expérience. Il m'a acheté une bouteille d'eau, et a récupéré les
photos du finish. Il veut déjà s'inscrire pour l'an prochain.
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