dimanche 20 juillet 2003

37- Pour la vie

Vincent multiplie les voyages. L'envie d'ailleurs est intarissable. Le projet est partagé avec Christelle. Eté 1994, ils commencent doucement avec l'Italie. L'année suivante, je n'en reviens pas, ils partent à Bali, si loin. Ce n'est que le début. Canada, Norvège, Venezuela, les destinations s'enchaînent. Mais c'est au Maroc que Vincent a le déclic. On est en 2003. Je l'imagine le soir tombant, en bord de mer, coiffé d'un fez ottoman. Il se met à genou. Demande en mariage. Christelle dit oui. Retour au pays, à la tradition, à la culture et aux codes français. Mairie, église, réception. Robe blanche, voiture d'époque noire. Mabou propose la traction, qui retraverse alors héroïquement  la France pour célébrer l'union de Vincent et Christelle. Je suis dans la voiture de papa et maman. On se rend à la mairie. Tout le monde est étrangement tendu dans la voiture. Papa fait une fixation sur la longueur de ses bras de chemise. Je ris du détail. Mais mon bonheur du moment, tu me l'as offert en me demandant d'être ton témoin à la mairie. Je me trouve ridicule d'attacher cette importance à ce sujet. Je suis au mieux apathique à l'idée du mariage, tu m'avais convaincu de ce point quelques années auparavant. Lorsque j'ai appris ton mariage à venir, je n'ai pas osé te demander d'être témoin, par cohérence intellectuelle. Mais lorsque tu me l'as demandé, j'ai été inondé par une vague de soulagement, de joie, de tranquillité. Le moment approche. Je profite de toute mon incohérence, mais j'ai un grand sourire en moi, je suis bien, et heureux de notre proximité.

dimanche 9 mars 2003

36- Paris Country Club

Vincent s'est mis au jogging. Nouvelle lubie. Et comme toujours sur chaque sujet qu'il entreprend, il y met de l'engagement. Il a pas mal grossi ces derniers temps. Mais il dégage une force physique incroyable. Moi, je reste toujours aussi chétif. En plus, cela commence à faire pas mal de temps que je ne fais plus de sport. Heureusement, ces dernières années, Vincent m'a régulièrement invité à des rendez-vous sportifs: un match de foot du dimanche par-ci, une partie de squash par-là, ou une séance de tennis dans un centre huppé. Mais cette fois, c'est carrément pour faire le semi-marathon de Paris qu'il m'interpelle. Je n'en reviens pas, mais j'accepte de participer avec lui. Je pars m'acheter des tennis, je n'ai même plus de chaussures de sport à cette époque-là. Je choisis les moins chères au centre commercial, elles n'ont même pas de lacet, ça me posera problème pour le compteur de passage de la course qu'il fallait fixer à sa chaussure. Pas de chance pour moi. Nous voila sur la ligne de départ de la course. C'est une bousculade incroyable. Je ne suis pas pressé de courir, moi. Vincent m'explique le système des ballons, qui portent des temps de référence. Il est à fond. C'est parti. On fait 5 kms ensemble. J'atteins déjà mes limites. Je m'accroche. Il y a heureusement des quartiers d'orange qui sont distribués. Je m'arrêterai presque pour un petit déjeuner. Mais Vincent enchaîne. On arrive au 10 kms, je commence à voir des étoiles. Je n'en peux plus. Il me souffle qu'il doit accélérer, qu'il m'attend à l'arrivée, et autre chose que je n'ai pas le temps d'entendre. Evidemment, j'aurai dû me douter que sans entraînement depuis 10 ans, je n'allais pas briller. Pourtant j'y croyais. Je suis à la dérive. Des flots de gens me doublent. Tout d'un coup, c'est une fille avec une tenue qui représente le drapeau vénézuélien qui me passe devant. Je m'accroche pour que la France remporte la partie. Impossible. Et je n'en suis qu'au quinzième kms. Les derniers mètres sont un enfer. Je ne pourrai pas monter les escaliers, ni le lendemain, ni le surlendemain. Je retrouve Vincent à la ligne d'arrivée tout reposé. Il est enchanté de l'expérience. Il m'a acheté une bouteille d'eau, et a récupéré les photos du finish. Il veut déjà s'inscrire pour l'an prochain.