Vincent s'est mis au jogging. Nouvelle lubie. Et comme
toujours sur chaque sujet qu'il entreprend, il y met de l'engagement. Il a pas
mal grossi ces derniers temps. Mais il dégage une force physique incroyable.
Moi, je reste toujours aussi chétif. En plus, cela commence à faire pas mal de
temps que je ne fais plus de sport. Heureusement, ces dernières années, Vincent
m'a régulièrement invité à des rendez-vous sportifs: un match de foot du dimanche
par-ci, une partie de squash par-là, ou une séance de tennis dans un centre
huppé. Mais cette fois, c'est carrément pour faire le semi-marathon de Paris
qu'il m'interpelle. Je n'en reviens pas, mais j'accepte de participer avec lui.
Je pars m'acheter des tennis, je n'ai même plus de chaussures de sport à cette
époque-là. Je choisis les moins chères au centre commercial, elles n'ont même
pas de lacet, ça me posera problème pour le compteur de passage de la course
qu'il fallait fixer à sa chaussure. Pas de chance pour moi. Nous voila sur la
ligne de départ de la course. C'est une bousculade incroyable. Je ne suis pas
pressé de courir, moi. Vincent m'explique le système des ballons, qui portent
des temps de référence. Il est à fond. C'est parti. On fait 5 kms ensemble.
J'atteins déjà mes limites. Je m'accroche. Il y a heureusement des quartiers
d'orange qui sont distribués. Je m'arrêterai presque pour un petit déjeuner.
Mais Vincent enchaîne. On arrive au 10 kms, je commence à voir des étoiles. Je
n'en peux plus. Il me souffle qu'il doit accélérer, qu'il m'attend à l'arrivée,
et autre chose que je n'ai pas le temps d'entendre. Evidemment, j'aurai dû me
douter que sans entraînement depuis 10 ans, je n'allais pas briller. Pourtant
j'y croyais. Je suis à la dérive. Des flots de gens me doublent. Tout d'un
coup, c'est une fille avec une tenue qui représente le drapeau vénézuélien qui
me passe devant. Je m'accroche pour que la France remporte la partie.
Impossible. Et je n'en suis qu'au quinzième kms. Les derniers mètres sont un
enfer. Je ne pourrai pas monter les escaliers, ni le lendemain, ni le
surlendemain. Je retrouve Vincent à la ligne d'arrivée tout reposé. Il est
enchanté de l'expérience. Il m'a acheté une bouteille d'eau, et a récupéré les
photos du finish. Il veut déjà s'inscrire pour l'an prochain.