samedi 22 mai 1982

1- Une traversée choc


Des premières années de ma vie, je retiens de mon frère son côté tête brûlée. Ensuite en grandissant, la première impression se figera. J'avais 4 ans. Nous flânions dans les rues de Mazamet avec notre maman. Il m'explique un nouveau jeu. Chouette. Non il ne s'agit pas d'éviter les traits par terre, de sauter à cloche pied sur les pavés ou de tourner dix fois autour du lampadaire. Non le jeu c'est de traverser l'avenue en fermant les yeux. Juste pour l'adrénaline. Explications additionnelles pour finir de me convaincre. Il suffit de bien regarder avant et de compter dans sa tête pour éviter les voitures. Il démarre le jeu. Il n'a pas fait 3 bandes blanches du passage piéton que maman l'attrape et le sermonne. Echec. Et injustice. Il me le souffle à l'oreille, il allait réussir.
Dans la même période, dans d'autres lieux, mais avec la même énergie, mon grand frère, mon modèle, que je prends grand soin à admirer attentivement, et à ne pas imiter, repasse à l'action. Il se fracasse ses incisives toutes neuves sur le sol en béton de la halle du village d'Auriac, il se rougit le torse en tentant l'impossible du plongeoir de 5m de Puylaurens, il prend un choc électrique en défiant Philibert, il tente la course de vitesse à vélo contre un essaim de guêpes, il brave la punition paternelle en s'échappant au-delà du clocher de Notre Dame, il se cache sur le toit du préau de l'école entre 2 averses, etc... Moi j'ai toujours peur, et je préfère rester bien protégé au chaud, dans les jupons de ma maman. Et puis inutile de tenter le diable, je n'ai qu'à le regarder pour vivre par procuration des aventures inédites.

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