Mais en vérité, avec Vincent, je me sens toujours en
sécurité. Je n'ai qu'à le suivre. On est en hiver 1983. On habite encore
Mazamet, à l'école du Gravas. Il est 14h, un samedi. Vincent décide qu'il est
temps d'aller jouer avec nos voisins du rez-de-chaussée. Je suis d'accord. Je
le laisse régler les détails administratifs. Négocier ce départ de jeu avec
notre maman. Les négociations aboutissent. Evidemment j'acquiesce les dernières
recommandations. Elle s'adresse à lui d'ailleurs, tu veilleras sur ton petit
frère. Allez nous voila parti pour de nouvelles aventures avec Stephan et
Marylise, nos voisins du rez-de-chaussée. Plusieurs jeux. Le temps passe. Il
est 16h. Vincent décide qu'il est l'heure de regarder les dessins animés de Recré
A2. J'aimerai bien les voir encore chez les voisins, car eux ont la télé en
couleurs. Heureusement je sais qu'il a la même intention. Il part en première
ligne demander à Stephan si on peut rester regarder les dessins animés chez
eux. Je fais juste oui de la tête pour dire moi aussi. On a le goûter inclus
avec la séance Récré A2. C'est
Tom Sawyer. Apparemment il a peur de l'épisode. Je suis donc terrorisé
par Joe l'Indien. Ouf c'est fini, j'ai rien compris, mais l'enchaînement est
prévu, séance de foot indoor. Car aujourd'hui il pleut. C'est février, il fait
déjà nuit dehors. On investit le large couloir à l'entrée de l'immeuble. La
porte d'entrée, c'est les buts de Stephan et Marylise, la porte qui donne sur
la cour de récréation, c'est nos buts avec Vincent. Oui les 2 grands ont géré
la constitution des équipes. Apparemment Vincent a perdu, il n'est pas très
ravi d'être avec moi le plus petit, moi je suis enchanté. Il m'explique ce
qu'on a décidé. Lui il est avant-centre, et moi je m'occupe de la défense. D'ailleurs
le gardien dans la règle d'aujourd'hui n'a pas trop le droit de sortir de
l'en-but, alors il faut que je lui fasse la passe au plus vite. Moi je trouve
ça normal. Lui il est devant moi, il essuie les attaques. C'est parti. Le
problème c'est qu'on ne retrouve plus notre balle en mousse. Les grands
trouvent la solution, on joue avec une balle de tennis. J'angoisse, je sais que
les parents nous l'ont déjà strictement interdit. On me demande de gérer mes
remarques en silence. Mais une mesure de gestion de risques est prise, on joue
en chaussettes. Cela évitera de donner trop de vitesse à la balle de tennis.
J'aime pas trop cette décision, je sais que les grands en profitent pour
écrabouiller les pieds. Bref, le jeu commence. En dix minutes, tout le monde
est en sueur. Le score est serré. En haut, chez nous, ma mère commence à
appeler pour aller à table. La pression monte. L'engagement est de plus en plus
rugueux. Mes passes vers Vincent sont plus que systématiques. Attention grand
combat à l'avant entre les grands. Ca tacle, ça glisse, ça crie,
contre-réaction immédiate des 2 cuisines, les 2 mamans lancent des Chut
tonitruants, qui se voient répondre par un grand éclat de verre. La balle de
tennis vient de fracasser la grande vitre de la porte d'entrée. On reprend
l'avantage avec Vincent par 4 à 3. Mais on ne prend pas le temps de se réjouir.
Vite la balle fautive est planquée. On fonce tous dans la chambre de Stephan et
on démarre diverses activités de lecture l'air de rien. Les adultes arrivent.
Exclamations, stupeur, énervement, lamentations, tout s'accélère. Je me cache
derrière Vincent, il répond à toutes les questions. Le sujet se tasse. Ca y
est, on peut regagner notre appartement à l'étage. Pas de punition. En
remontant, je lui demande si c'est bien nous deux qui ont gagné avec nos 4 buts
ou si le dernier but est refusé. On a évidemment gagné. Il me félicite pour mon
match.
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