Je ne résiste pas
au plaisir de la photo scandaleuse, qui me vaudra quelques coups de poings dans
les côtes après son tirage chez Sarda. La toute nouvelle maison de Revel, en
1985, est encore dans son jus. Le froid terrible fin 1985 fait exploser une
vitre simple vitrage dans la salle à manger. Le vent est glacial. Il n'y a pas
d'escalier intérieur. Le jardin est envahi de haies et bordures diverses,
malgré le débroussaillage intensif de juillet. Enfin, il n'y a pas de terrasse
pour manger dehors. Mais les travaux vont bon train, mes parents se donnent
corps et âme à la rénovation du logis, Vincent le collégien du haut de ses 11
ans est aide de camp en 1ere ligne, et pour ma part, je suis pantouflard 1ere
ligne, je ne fais rien, et reçois en plus l'approbation de mes parents jugeant
mon âge insuffisant pour les travaux physiques (ou jugeant ma présence contre-productive).
Bref, j'hérite d'un statut privilégié qui agasse mon frère au plus haut point,
et encore plus quand vient l'heure des photos et que je tape sans gène
l'incruste en falsifiant par l'image l'Histoire (en apposant une pierre dont
nul n'a besoin, puisqu'on est alors en train de faire l'arase du muret)
jeudi 10 octobre 1985
La pierre de trop
Juillet 1986, à Revel
mercredi 9 octobre 1985
5- Boucle d'oreille
Des premiers temps de Revel, je retiens l'héroïsme de
Vincent bravant les forces installées localement. Passé le temps de la gloire
et de la place au combien mérité comme goal dans l'équipe du vénérable Avérous,
tout devait être refait. Nouvelle ville, nouveau club, et la place de titulaire
gardien de but de l'équipe des pupilles de Revel était une citadelle à prendre.
Et dans la citadelle, il y avait Pierre. Un petit blanc, pas comme à Mazamet, grande
gueule, petit gabarit, un peu voyou, bagarreur, cancre à l'école, et surtout
summum de la rebelle attitude qui pouvait se faire en 1985, il portait une
boucle d'oreille! Un voyou. Septembre passe. Vincent gagne les premières
batailles, et est sélectionné le samedi comme titulaire en match officiel.
Preuve sur le morceau de papier affiché dès le jeudi sur la devanture du café
Glacier sur le tour de ville de Revel. A la vue de tous, c'est l'ego de
Pierre-le-Rebelle qui est ébranlé. Rapidement une bataille s'organise. Vincent
est interpellé devant le stade par Pierre et sa bande. Bousculade, crachats.
Paf, Vincent décoche un coup de poing, et saute sur son vélo pour rentrer
illico à la maison. Le territoire est marqué. Vincent rapporte à sa maman ses
aventures. Le soir même, au cours du dîner, mon père transforme cet épisode en
moment de gloire familial. Lui-même très attaché aux marques ostensibles de
virilité, et n'ayant jamais hésité dans les histoires d'enfance racontées à
défendre l'honneur par les poings, la valeur de ce coup sera rappelée
régulièrement. Fiers, lors de dîners à la maison, cet épisode ne manquera
jamais d'être raconté à nos hôtes, et cela dura jusqu'à l'obtention par mon
frère de son baccalauréat.
Bien plus tard, le dit Escaffre, maçon de son métier, se
fera un plaisir de snober la réalisation de la cheminée familiale.
samedi 4 mai 1985
4- Nouveau matricule
On vient de déménager de Mazamet vers Revel. C'est le seul
déménagement de famille dont je me souvienne. Jean-Raymond avec une berline
surpuissante était venu prêter main forte. Evidemment Vincent était monté dans
cette voiture. C'était la vitesse, la nouveauté, et un gros brin de show-off.
Tout mon frère. J'étais épouvanté par cette voiture, elle n'avait rien à voir
avec ma vie, elle plaisait au plus haut point à Vincent. Pour ma part je monte
avec ma mère dans notre 305. On part les derniers. Arrivé à mi-chemin, à Soual,
une heure après le départ des Fast Furious, coup de klaxon! Les voilà qu'ils
nous dépassent! Quoi comment est-ce possible, mais qu'est-ce qu'ils font là?
Mais ils sont fous, ils ont les clefs de la nouvelle maison, et doivent ouvrir
à tout le monde. Pas le temps de savoir, le klaxon retentit dans un drôle
d'effet Larsen sous le coup d'une tonitruante accélération de la berline, en
pleine ville bien sûr. On reste hébété, on tourne la tête. Mince il y a les gendarmes sur le
bas côté. Mais étonnament ils saluent amicalement de la main la voiture de Jean-Raymond qui passe à pleine
vitesse devant eux. On apprendra le soir qu'ils avaient perdu la plaque d'immatriculation. Les gendarmes
les avaient sommés de la retrouver et de la refixer. Evidemment moult
discussions entre hommes sur la cylindrée de la bête. Il leur fallait retrouver
la fameuse plaque en WW, signe distinctif de la nouveauté immaculée du bolide.
Et ils le firent. Simple de demi-tour, oeil de lynx pour repérer la plaque sur le bas-côté, fixation à la volée, et redémarrage efficace. Bien sûr en repassant, un signe de main suffit
à rassurer la maréchaussée de l'époque. L'histoire fut, comme il se doit,
racontée et reracontée à longueur de soirée, scindée par quelques anecdotes sur
des blanchiments héroïques de prunes.
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