dimanche 18 septembre 1988

10- Le baron rouge

Dans notre nouvelle maison, Vincent a la chambre verte, et moi la bleue. Les premiers jours, nos parents nous ont demandé de choisir notre chambre. Génial, des mois qu'ils nous répétaient que nous allions enfin avoir notre chambre chacun, que pour nous. Moi, ça me stressait énormément cette histoire. Le moment arrive, il faut choisir. On monte par l'escalier extérieur. Laquelle tu veux, il me demande. Je ne sais pas, mais je devine le piège. Je ne veux pas répondre. Il s'impatiente. Je choisis la bleue car je ne sais pas. Il est content, il voulait la verte. Je n'ai pas compris le piège.
Les jours passent, et chacun place ses posters dans sa chambre. Pas d'hésitation pour moi. La France vient de gagner l'Euro 1984. Et les jeux olympiques. C'est moins prestigieux, mais il y avait Bijotat dans l'équipe. En premier, je punaise mon préféré, Joël Bats. Le gardien de but. Comme moi. Oui, j'ai choisi de faire du foot. Comme Vincent. Et j'ai choisi le poste de gardien. Comme lui! Ensuite en numéro 2, c'est Bossis, il est défenseur, il a le look Seventies, et il me rappelle Séville 1982 et Saint-Arnac. Evidemment je mets aussi Platini. Je rentre dans la chambre verte. Un poster d'avion passant sous la tour Eiffel et le pont de Brooklyn. Ca sort d'où, ces trucs? C'est une trahison. Notre vie, notre fierté, nos week-ends, mon enfance, c'est le foot voyons. C'est une trahison terrible. Je comprends alors le piège. Vincent a quitté le monde de notre enfance, et je ne suis pas d'accord. Je déteste la chambre verte et New York.

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