mardi 10 octobre 1989

Réponses en bas de page à l'envers


Février 1992, à Revel

Les douces minutes en attendant que 7 heure arrive.
Pour prolonger le plaisir, il faut faire croire aux parents qu'une dernière révision matinale est en cours. Mais les yeux trahissent souvent l'intention réelle.
Mais le vrai rêve, il est dans Salvador le Dollar. C'est le temps du In Dollar We Trust, époque qui durera de 1990 à... 2014!

lundi 9 octobre 1989

14- Plein pot

Vincent est un ado. Je suis un petit. C'est trop dur de se lever tous les matins à 6h30. Seule ma mère est debout. Mon père se lève à 7h30, on part juste pour l'école à ce moment là. La contrainte est de plus en plus forte pour mon frère. 6h35, 6h45, ... Le lait est chaud à 6h30, et c'est 3 cuillerées de Nesquik. Vincent conteste. Il demande de changer de marque de chocolat. Tout ça parce que Monsieur a vu une pub à la télé. On croit rêver chez les Sudre. Scandale, 2 ans de réglage millimétré, on ne va pas changer comme ça. Et surtout pas pour une pub. Alors là, ma mère est piquée au vif. On va voir ce qu'on va voir. Et bien, c'est  décidé, on achète le grand pot de Benco. Vincent goûte. Ca ne change pas le goût du quotidien. Mais c'est la grande leçon de vie. Il devra finir son pot de Benco, coûte que coûte. Il se lève de plus en plus tard. Je suis fier de ma mère.
Ok pour 6h30 mais à 6h40 après les 3 cuillerées de Nesquik on remonte se coucher. J'adore cette astuce instaurée par Vincent. Les plus belles minutes de la journée s'égrènent de 6h40 à 7h00. Ce sont des minutes délicieuses, interminables, et chocolatées. Attention, maman arrive. Il faut se lever. Vincent prétexte dans sa chambre verte qu'il étudie encore. Mais son stratagème est déjoué. Le livre qu'il tient, il vient de le saisir précipitamment, et il est à l'envers. Pas de chance.

dimanche 27 août 1989

Des cousins et des planches


Août 1987, à Lézardrieux



La soirée théâtre de fin de séjour est l'apothéose d'heures de discussion entre enfants pour élaborer les sketchs les plus drôles. Surtout les heures imposées de balades pédestres dans les zones désertiques sélectionnées par les parents paraissent plus courtes. En fait, Vincent est notre metteur en scène et on passe les vacances à écouter et avaliser ses idées et ses choix. Mais on est tous très fier de notre créativité naissante.

samedi 26 août 1989

13- France loisirs

En août, une nouvelle tradition se met en place. On part en vacances, une semaine, avec les cousins, dans une nouvelle région. Et chaque année ça change. Ce sont nos vacances de la dernière semaine d'août, et toujours en Gîte de France! Pour le premier départ, en 1987, c'est la Bretagne qui est choisie. Nous voila parti pour Lézardrieux. Nous sommes 5 enfants. Vincent est le plus grand. Il prend les choses en main. Pour passer le temps, il lance l'idée du spectacle de fin de vacances. Stress, il va falloir assurer. Il est confiant. Chaque sortie, chaque promenade, on s'organise en conseil d'enfants, on pense à nos sketchs, on réfléchit aux chutes, comment on va faire la scène, les décors, les costumes. Avec une idée, c'est 5 enfants qu'on tient en haleine pendant toute la semaine. Vincent pense et organise tout. Même au prix des places. Mon père connaît les premières augmentations drastiques du prix du tabac: on lui vole son paquet de cigarettes 1 heure avant le spectacle, et on les lui revend au tarif fort. Les parents sont formidables, et se plient avec joie à tous les caprices. J'adore ces spectacles. Ils me pétrissent de stress, mais ils sont un souvenir impérissable de voyage, et m'emplisse de fierté. Et la recette de la soirée emplit les poches de Vincent!

samedi 15 juillet 1989

12- L'escalier magique

Le mois de juillet, c'est le Tour de France. Nous ne partirons jamais en vacances ce mois-là. Et chaque année, ces tours de France sont délicieux. Nous les passons à mi-chemin entre notre maison, et la maison des arrière-grands-parents, qui est à 300 mètres. Là-bas, c'est la maison familiale où déboulent les cousins. Les après-midi, il fait invariablement très chaud. Les grands font la sieste et ouvrent les bières. Nous, nous avons droit au panaché. On va, on vient, c'est la grande liberté, personne ne nous surveille, et le panaché est illimité. Génial. Le soir, c'est grand apéritif et grillade. Les tablées sont différentes chaque soir, mais il y a toujours beaucoup de monde. Ca dure jusqu'à très tard. Il fait encore très doux. Seules les mamies s'équipent d'un invariable tricot passé minuit. Les hommes restent stoïques, boules de pétanque dans une main, bière dans l'autre.
Vincent est au centre de toutes les soirées. Il anime, il plaisante, il imite, il raconte et reraconte les petites anecdotes du jour. Il est dans son élément, jovial, drôle, incisif, parfait. Les imitations s'enchaînent. Les même sketches interminables se répètent à l'infini. Les rires éclatent toujours. Le sketch phare de ces mois de juillet, c'est la fausse descente d'escalier. Ensuite, ce sont les imitations qui emportent le plus franc succès. Je le regarde. Il m'hypnotise. Je m'interroge comment avec si peu de contenu à dire, le show peut durer aussi longtemps. Et encore durer, et recommencer. Je trouve ça génial. Il est génial mon frère.

dimanche 18 juin 1989

Le roi, c'est moi


Juillet 1992, à Marne-la-Vallée



Le choix des fauteuils et des rôles n'a pas fait l'objet de débat.
C'est notre deuxième voyage familial à Paris. Après l'expérience Boy George / Mickael Jackson, on revient passer une semaine estivale chez Laurent et Danièle à Yerres en 1992.
Après avoir tenté le Grand 8 Gaulois au Parc Astérix l'année précédente, on ne résiste pas au plaisir d'aller au tout nouveau Parc Eurodisney, qui vient d’ouvrir à Marne la Vallée. On s'était vraiment régalé au parc des irréductibles gaulois. Mais la gloire de l'Empire Américain à la fin de ce millénaire nous fait espérer une expérience au moins 10 fois plus forte en émotion pour cette année. Au bilan, seul le billet d'entrée respecte le sur-taux de 10. Le reste de la visite est aussi plaisant que l'an passé. Mais rien ne remplace dans nos cœurs le parc Astérix, choix lors de notre premier périple familial.  L'américanisme a déjà un penchant trop bling-bling, que Carla s'empressera de confirmer quelques années plus tard.

samedi 17 juin 1989

11- A changing world

On est en 1987. La décision est prise. On monte à Paris. 4 jours de vacances. Tous les 4. Je suis tout surpris. Je ne pensais pas que l'on pouvait traverser notre ligne Maginot, la Loire. En plus directement à la capitale, quel souffle, quelle initiative. Vincent a un grand sourire. Il rêve de Paris, de s'échapper, de voir plus grand, et surtout plus loin. Le séjour est des plus agréables. Je dors dans le canapé-lit du salon avec Vincent chez Laurent et Danièle à Yerres. Les soirées s'éternisent autour d'un tapis de jeu de dés pour enfants. Je découvre le 421. Tout le monde s'amuse, les 2 pères de famille se prennent au sérieux autour de ce jeu, les cigarettes et les verres à Armagnac sont en piste, les heures défilent, l'heure du coucher est aléatoire, c'est délicieux. En revanche, les journées sont marquées par un affolement provincial, une peur de ne pas en faire assez, de ne pas en voir assez, de ne pas avoir le temps, une injonction de ne pas prendre le temps, de ne pas savourer l'instant présent. Ce marathon infernal est vaincu par la quiétude des soirées et l'invincible 421, synonyme de rires, de moments suspendus, et d'hommages appuyés à nos produits du Sud Ouest, des Gauloises de Tonneins ou des bouteilles du Gers. Le stress culturel retombe. Le dernier jour arrive. Nous sommes invités à nous choisir un cadeau. J'aurai un sweat shirt avec Paris écrit dessus. Vincent en profite pour se faire acheter des disques, deux 45 tours petit format. Son choix est alors objet de tous les commentaires, mais ça passe. Dans notre maison, une armoire était dédiée aux disques, presque une armoire scellée, tant écouter de la musique était éloigné de notre quotidien. Les parents ont une large collection chansons françaises, plutôt orientée chansons à texte avec du Jean Ferrat, du Georges Moustaki, du Claude Nougaro, du Charles Aznavour. Invariablement quand les parents reçoivent, mon père enclenche du Georges Brassens, le disque le plus usé. Cette fois, Vincent arrive avec du Boy George et du Michael Jackson. C'est comme cette escapade à Paris: inattendu. C'est la claque de ce nouveau monde refoulé: exit notre enfance construite sur les bases de Molière, on passe à l'anglais, directement, sur tous les disques. C'est un appel à l'avenir. On sent cette force, cette tendance se confirmer d'année en année. Ces 2 disques, c'est le rappel de ce que demain sera. Ce sera différent, et incertain. Le premier est un anglais qui rêve d'être une anglaise. Et le second est aussi clairement noir que sa peau est claire. Le monde se cherche, veut s'affirmer. Il veut autre chose. Vincent est comme ce Nouveau Monde.