Septembre 1992. Ca y est, Vincent est parti de la maison.
C'est un grand vide. Surtout les repas du soir, les rituels en famille où on
était 4. Instinctivement, je prends sa place à la table de la cuisine. Maman ne
bouge pas, papa ne bouge pas, et moi j'ai une promotion, je gagne un siège. Je
passe des semaines à essayer de faire le pitre, de l'imiter. Je mime les sauts
pour toucher le plafond, jeu sans fin. Je fais le coup de l'escalier virtuel.
Attendez, attendez, et hop c'est la serviette de table magique. Alors? Alors?
Alors j'ai le blues. Heureusement les week-ends arrivent, et il débarque avec
mille anecdotes, des trucs drôles à écouter, des histoires qui me sortent de
mon quotidien. Je vis par procuration. Alors dans sa prépa à Albi, il y a le
gars qui est un crack en maths, mais il est tout coincé, membre émérite du
comité des fêtes de Séverac le Château. Un gars a un accent du midi fou, il
faut le croire pour qu'on rie de ça entre-nous. Il habite Gaillac, et prétend
mettre cinq minutes pour aller à Albi. Et puis le gars qui s'est présenté en
disant qu'il était le plus vieux. C'est le vieux. Et les mêmes histoires en
boucle. Et je ris en boucle. Ca continue, les imitations s'enchaînent. On passe
aux filles de la promo, je retiens Maillot Vert, car elle s'appelle Jalabert.
Et il raconte je ne sais quoi sur le barman de la Pref', et des trucs encore
avec les rendez-vous du lundi matin à la gare pour covoiturer dans une série de
tacots géniaux. Bref, c'est Tomasi et le Péril Jeune sur les berges du Tarn.
J'écoute, j'écoute, ça va nourrir ma semaine. Il repart. Je reprends sa place à
table.
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