lundi 28 septembre 1992

24- Chabert

Septembre 1992. Ca y est, Vincent est parti de la maison. C'est un grand vide. Surtout les repas du soir, les rituels en famille où on était 4. Instinctivement, je prends sa place à la table de la cuisine. Maman ne bouge pas, papa ne bouge pas, et moi j'ai une promotion, je gagne un siège. Je passe des semaines à essayer de faire le pitre, de l'imiter. Je mime les sauts pour toucher le plafond, jeu sans fin. Je fais le coup de l'escalier virtuel. Attendez, attendez, et hop c'est la serviette de table magique. Alors? Alors? Alors j'ai le blues. Heureusement les week-ends arrivent, et il débarque avec mille anecdotes, des trucs drôles à écouter, des histoires qui me sortent de mon quotidien. Je vis par procuration. Alors dans sa prépa à Albi, il y a le gars qui est un crack en maths, mais il est tout coincé, membre émérite du comité des fêtes de Séverac le Château. Un gars a un accent du midi fou, il faut le croire pour qu'on rie de ça entre-nous. Il habite Gaillac, et prétend mettre cinq minutes pour aller à Albi. Et puis le gars qui s'est présenté en disant qu'il était le plus vieux. C'est le vieux. Et les mêmes histoires en boucle. Et je ris en boucle. Ca continue, les imitations s'enchaînent. On passe aux filles de la promo, je retiens Maillot Vert, car elle s'appelle Jalabert. Et il raconte je ne sais quoi sur le barman de la Pref', et des trucs encore avec les rendez-vous du lundi matin à la gare pour covoiturer dans une série de tacots géniaux. Bref, c'est Tomasi et le Péril Jeune sur les berges du Tarn. J'écoute, j'écoute, ça va nourrir ma semaine. Il repart. Je reprends sa place à table.

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