mercredi 30 juin 1993

28- La donation

Eté 1993. Les parents s'agitent, et c'est la valse des habits du dimanche. Une grande nouvelle s'annonce. Officielle. Mais sans communication. La rumeur n'enfle pas, car tout le monde sait. Moi, je ne suis pas trop sûr de bien savoir. Mais de toute façon, on n'en parle pas, comme d'un air entendu. Maman va chez le notaire avec papi et mamie. Oui, c'est aujourd'hui le jour de la révélation. Le ton pris par maman est poli, sentencieux, empli de respect.  Mabou fait une donation aux grands-parents. La donation. Totale, globale. Le sceau de 50 ans de vie commune. On s'amuse beaucoup avec Vincent de ce faux mystère, de ce mélange de gaieté, de fierté, et de silence. Evidemment, pour sceller la pièce de théâtre, maman nous prévient que nous ne sommes pas censés être au courant. Pour moi c'est du Marivaux, et c'est du Goldoni pour Vincent. Les grands-parents se font une joie par avance de nous l'annoncer. Ils nous invitent pour l'occasion à une virée en Savoie. Nouveau choc. Une sortie avec nos grands-parents, eux qui n'ont jamais voulu sortir de la région. Grande nouvelle, grand déplacement. On partira à 4, papi, mamie, Vincent, et moi. Rappel de l'importance de garder le secret, qui sera donc révélé au cours du voyage.
Vincent enchaîne les imitations à l'avance sur le scénario de la révélation. Et papi qui siffle, qui regarde tout autour de lui, qui chuchote, et la Sierra qui se met à chauffer. La préparation du voyage est vraiment drôle, il me tarde.
C'est le grand jour du départ. Je ris beaucoup à l'intérieur, je cherche sans cesse le regard complice de Vincent, qui fait mine de démarrer une imitation. A peine 4 heures de route, nous nous arrêtons sur une aire de repos près de Montélimar. C'est la pause repas. Pas de sandwich. La glacière version grands-parents, c'est une réserve à nourriture pour 20 personnes. Il faut déplier la nappe sur la table d'autoroute. A peine le muscat servi, papi prend la parole. Exactement le scenario18 imaginé par Vincent. J'ai envie de rire, je le regarde. Incroyable, il joue le rôle à la virgule près, il est étonné, heureux, fait répéter papi, semble déboussolé, fier, lance des remarques d'un air entendu... Je suis perdu, je ne sais pas faire. Je bloque. On repart, le voyage continue, tout le monde a le cœur léger. Quel comédien.

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